Alors c’est décidé. On reconstruira « pareil », à l’identique. Comme avant quoi. Dans quatre ans, nous pourrons à nouveau contempler la Notre-Dame que nous connaissions avant. La même. C’est rassurant. Et être rassuré, on aime.
Du moins, nous essayerons de nous persuader que rien n’aura changé, que rien ne changera. C’est le drame des crises depuis quelques décennies. Moins les crises en elles-mêmes que cette persuasion qu’elles ne changent rien. Que « tout pourra être pareil qu’avant ». Que l’on peut effacer d’un coup de baguette le passé et retrouver la même chose, grâce à notre résilience, grâce à notre puissance qui nous permet de maîtriser le drame. Sauf que voilà : il n’y a aucune chance que cela arrive vraiment. La flèche de Notre-Dame sera « identique ». Et pourtant pas même. Sa forme ne sera qu’une illusion. Quel que soit le travail des ouvriers, la qualité de leurs arts, il n’y a aucune chance pour que ce soit la même. Les bois, certaines formes, les outils pour la construire, les ciments et tenants, tout sera différent.
Lors d’une crise majeure, l’après est forcément différent que l’avant, de manière plus ou moins profonde. On peut le refuser, et se donner l’illusion que tout est pareil en cachant les faits sous une parure de similitude. Et attendre la prochaine fois qui viendra assurément. Où l’on peut observer et acter les changements, pour en faire les bases de la reconstruction. Non à l’identique. Mais en tenant compte des nouvelles réalités, celles du temps présent, celles provoquées par la crise, celles que nous projetons pour notre futur. Une redéfinition basée sur la mémoire des faits qu’il faut montrer sans ambages, autant que sur la volonté de créer un futur possible. La différence entre le Burundi et le Rwanda, issus de la même histoire, des mêmes drames, le montre sans équivoque : le premier refuse son histoire en cherchant à la cacher et stagne dans un présent guerrier, l’autre s’appuie sur sa mémoire pour en acter les erreurs et se battre pour construire un futur.
Ce « à l’identique » qui conduit nos vies depuis quelques décennies, avec l’impression que nous pouvons effacer les affres pour que tout soit toujours pareil, que nous pouvons continuer d’agir comme si de rien n’était, parce que nous saurons être résilients, est la pire des illusions. Nous devons être résilients bien entendu, à savoir réagir face à un choc, mais dans un but bien précis : nous stabiliser au plus vite pour agir dans la projection d’un futur. Non pour recréer le passé. Mais pour épouser les besoins des évolutions en acceptant posément les nouvelles réalités. L’épisode du COVID19 que nous vivons devrait nous amener à ces mêmes réflexions, ces mêmes besoins. Ne pas se satisfaire de la résilience comme base de reconstruction, mais agir pour les besoins de notre futur, dont nous avons chaque jour quelques signaux pour nous annoncer ce qu’il sera si nous n’agissions pas. Toute la différence entre résilience et adaptation : revenir « à l’identique » ou sans attendre poser les objectifs d’un futur à construire.
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